« La liberté, ce bien qui fait jouir des autres biens », écrivait Montesquieu. Et Tocqueville : « Qui cherche dans la liberté autre chose qu’elle même est fait pour servir ». Qui s’intéresse aujourd’hui à la liberté ? A celle qui ne se confond pas avec le libéralisme économique, dont on mesure combien il peut être source de prospérité mais aussi d’inégalités et de contraintes sociales ? A celle qui fonde le respect de la vie privée et la participation authentique à la vie publique ? La liberté devrait être au cœur de la démocratie et de l’Etat de droit. En même temps, elle ne peut être maintenue et garantie que par la vigilance et l’action des individus. Ils ne sauraient en être simples bénéficiaires ou rentiers, ils doivent non seulement l’exercer mais encore surveiller attentivement ses conditions d’exercice. Tâche d’autant plus nécessaire dans une période où les atteintes qui lui sont portées sont aussi insidieuses que multiples.


lundi 1 août 2011

Prêcheurs d'Islande : "constitution participative" et démocratie

A la suite de la crise financière de 2008, l'Islande a décidé d'élaborer une nouvelle constitution. L'ancienne Loi Fondamentale était directement inspirée de celle du Danemark, pays sous la domination duquel l'Islande a vécu plus de cinq siècles, jusqu'à l'indépendance survenue en 1944. Concrètement, il s'agit de renforcer la séparation des pouvoirs, d'améliorer le système démocratique par une plus grande intervention des citoyens, et d'assurer un meilleur contrôle de l'Exécutif.

Cette volonté d'"islandiser" les institutions n'a rien de surprenant au moment où ce pays est officiellement candidat à l'adhésion à l'Union européenne. En revanche, on doit s'interroger sur l'engouement que suscite le processus constitutionnel islandais dans les médias. On nous explique en effet que les Islandais sont en train de rédiger une "constitution participative", formule magique dont les Etats de la vieille Europe feraient bien de s'inspirer s'ils veulent devenir des démocraties "modernes". L'enthousiasme manifesté par certains devrait cependant être tempéré par une lecture attentive des textes.

En quoi consiste cette "participation" ? Si y regarde d'un peu plus près, elle est évoquée à propos de deux étapes du processus constitutionnel :

1° Un groupe de 25 citoyens islandais vient, le 30 juillet, de remettre un projet de "constitution participative" au Parlement, l'"Althing". Contrairement à ce qui a été parfois écrit, ces 25 citoyens ne forment pas une "assemblée constituante". Car si des élections au suffrage universel ont bien eu lieu le 27 novembre 2010 pour désigner cette assemblée, elles ont été invalidées par la Cour Suprême en janvier 2011 pour des motifs liés à la mauvaise organisation du scrutin (urnes qui ne fermaient pas, comptage des bulletins non public…).

Afin de ne pas allonger le processus, les partis politiques se sont prononcés en faveur de la désignation d'un "comité constitutionnel" par une résolution parlementaire votée par 30 voix pour, 21 contre et 7 abstentions. Et ce comité constitutionnel créé en avril 2011 comprenait finalement les 25 délégués dont l'élection avait été invalidée.

On nous dit que la composition de ce comité est remarquable, car la réflexion est confiée à des citoyens ordinaires, des paysans, des professeurs, des étudiants, des membres du clergé etc.. Sans doute, mais cette observation illustre avant tout une regrettable confusion entre la représentativité sociologique et la représentation politique. Un groupe peut être représentatif de la population, sans pour autant la représenter au plan politique. Le comité constitutionnel a finalement été désigné par nomination du parlement. Il n'est pas issu de l'élection et ne saurait donc être considéré comme représentant le peuple islandais.

2° - Ce "comité constitutionnel" a mis en œuvre des procédures tout à fait inédites pour parvenir à au projet aujourd'hui transmis au parlement. Les réseaux sociaux ont été mis à contribution, et les 320 000 Islandais pouvaient commenter les débats diffusés sur You Tube, faire des suggestions sur Facebook , voire sur Twitter, à la condition de pouvoir participer un débat constitutionnel en 140 signes.. Ce bel exemple de "Crowdsourcing" a été présenté comme un pas important vers un idéal de démocratie directe.

Le caractère inédit de la démarche n'est pas aussi évident qu'on veut bien l'écrire. Peut être a-t-on oublié que le projet de Constitution européenne avait été élaboré de manière tout aussi "démocratique", la Convention ayant développé un site internet sur lequel chacun pouvait exprimer son opinion ou faire des suggestions. Il ne s'agissait pas encore de "réseaux sociaux", mais l'idée d'utiliser internet comme instrument de participation était déjà bien présente. 

Que s'est il passé lors de cette expérience européenne ? Un petit nombre de ceux qui étaient favorables au projet de constitution européenne s'étaient exprimés sur ce forum, et les plus motivés d'entre eux étaient davantage soucieux de développer une action de lobbying que de participer à une expérience de démocratie directe par internet. On se souvient que l'enthousiasme manifesté sur ce forum n'était guère représentatif des sentiments de l'ensemble des électeurs concernés, notamment ceux qui ont pu s'exprimer par référendum.

Pour les mêmes raisons, la procédure organisée en Islande n'offre aucune garantie permettant de s'assurer que ceux qui s'expriment sur les réseaux sociaux sont effectivement des citoyens islandais, et qu'ils n'ont aucune arrière pensée en matière de lobbying. Le risque est grand que cette procédure soit accaparée par les électeurs les plus avertis, les plus intéressés par le débat public, laissant à l'écart les moins favorisés. A ce titre, internet n'est pas facteur d'égalité, mais d'inégalité, comme en témoignent aujourd'hui les débats sur la neutralité du net.

Nous constatons une seconde confusion, entre la liberté d'expression publique et le droit de vote. La première est un droit de l'individu ou du groupe, le second est un droit du citoyen. La première s'exerce librement, le second est organisé de manière à permettre une stricte égalité devant le droit de suffrage.

Cette utilisation des réseaux sociaux n'établit, somme toute, qu'un ersatz de démocratie, car elle n'offre aucune des garanties qui sont celles de la démocratie, qu'elle soit directe ou indirecte. C'est si vrai que la procédure islandaise s'achèvera, dans tous les cas, par un vote du parlement qui devrait avoir lieu à l'automne.. Et pourquoi pas un référendum, la seule consultation permettant une réelle démocratie directe ? Tout simplement parce qu'il n'existe pas en Islande…




1 commentaire:

  1. Gnouf, Meuf, çacédublog ! Mais, la liberté, kesdotre que l'ardente obligation d'admirer l'Elan ? Car, par cela même qu'Il est, l'Elan est toujours tout ce qu'Il doit être. Konsledise.

    Je Me porte bien

    LNE

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